Jean Dubuffet
Jean Dubuffet est en relation avec l’Imprimerie Union dès le début de sa carrière d’artiste puisque sa première exposition en octobre 1944 Exposition de tableaux et de dessins, a lieu à la Galerie René Drouin, et que son catalogue, comme la plupart de ceux du galeriste entre 1943 et 1950, est imprimé par Union. Parmi les catalogues de Dubuffet imprimés par Union, outre celui de 1944, on en compte trois autres édités par Drouin - en mai 1946 Mirobolus Macadam & Cie – Hautes Pâtes de Jean Dubuffet, en octobre 1947 Les gens sont plus beaux qu’ils croient. Portraits à ressemblance extraite, à ressemblance cuite et confite, à ressemblance éclatée dans la mémoire de M. Jean Dubuffet peintre, en octobre 1949 L’art brut préféré aux arts culturels ; et un édité en 1957 par la Galerie Rive Droite, Tableaux d’assemblages.
Dubuffet fonde en 1948 la Compagnie de l’Art Brut. Après sa dissolution en 1951, les collections partent aux Etats-Unis pour une dizaine d’années avant de revenir en France où l’activité de l’association reprend en juillet 1962. Et c’est au début de l’année 1963 que paraît la brochure La Compagnie de l’Art Brut et que Dubuffet revient sur le programme de l’association. A la fin de la brochure est annoncé :
« Nous préparons la publication d’un ouvrage qui comportera plusieurs volumes à paraître l’un après l’autre au cours des mois et années prochaines, et où seront groupées des monographies abondamment illustrées sur chacun des cas – au nombre d’une cinquantaine, avons-nous dit – estimés les plus significatifs de ceux qui sont représentés dans nos collections. Y seront jointes des reproductions des œuvres les plus marquantes parmi celles dont les auteurs nous sont mal connus. Nous y ferons figurer aussi des écrits caractéristiques parmi ceux dont les manuscrits sont entre nos mains et qui procèdent d’une position totalement inventive analogue à celle de l’art brut. Nous espérons faire paraître le premier de ces recueils à la fin de l’année en cours ».
Un an et demi plus tard est en effet publié, L’Art Brut. Publication de La Compagnie de l’Art Brut dont le premier "fascicule" - terme qui apparaît en première de couverture de chacune de ces publications - sort en juillet 1964 des presses d’Union jusqu’au n°9 de décembre 1973, les autres seront réalisés par la suite à Lausanne où avait déménagé la collection de L’Art Brut.
A la différence de Pierre-André Benoît et de Pierre Bettencourt, Jean Dubuffet n’est pas son propre éditeur, mais tout comme eux, il possède sa presse et utilise les services de d’Union à certaines occasions, et notamment pour son cycle Les Phénomènes réalisé d’août 1958 à avril 1962. Ce travail, quoique limité pour l’imprimerie aux seuls titres des planches lithographiées, constitue deux longues suites de plusieurs séries chacune. La première en contient dix, chacune composée de dix-huit planches ; la deuxième, neuf, composée pour toutes de dix planches. Dubuffet qui, dans un souci d’efficacité, répartit les tirages des lithographies sur différentes presses (Mourlot, Patris, la sienne), confie la typographie à l’Imprimerie Union et à Féquet et Baudier. Si l’on se reporte aux dates d’achèvement des lithographies, Union travaillerait sur ce cycle de février 58 à juin 59 et réalise les travaux suivants : I. L’Elémentaire – II. La Terre et l’Eau – III. Suite d’inventaire – IV. Le Preneur d’empreintes – V. Eléments Moments – VI. Le Vide et l’Ombre ; de la deuxième suite, I. Aires et Lieux – II. Champs de silence. Dans le texte de présentation de son catalogue raisonné, Jean Dubuffet explicite le choix de ces titres 1. Pour lui, le titre participe de l’œuvre par ce qu’il nomme « le redoublement de pouvoir évocateur ».
Parmi les productions les plus illustres associant le nom de Jean Dubuffet et celui de l’Imprimerie Union, on retiendra les livres Oreilles gardées 2 et La Lunette farcie édités par Pierre-André Benoît, ainsi que la plaquettes de vœux de 1963 La Vache au pré noir, publication reprise la même année par le Collège de ‘Pataphysique. La genèse de cette plaquette est expliquée dans la préface en forme de lettre que Louis Barnier adresse à l’artiste : « (…) quel désespoir fut le nôtre lorsque après avoir imprimé (…) la reproduction en quadrichromie qui devait orner le catalogue de la Corcoran Gallery "Fifteen painters of Paris", nous découvrîmes que ce champ que feignait de paître votre vache, de vert épinard qu’il était, aurait dû être noir ».
De même que Jean Dubuffet est friand des matériaux de rebus et des objets de récupération, Louis Barnier utilise une erreur pour la transformer en un exercice de style, déclinant l’image en vingt-quatre reproductions, c’est-à-dire « les équations comportant – encore que transposées d’un cliché à l’autre – les quatre couleurs de la quadrichromie traditionnelle ». Le domaine du machinisme est là encore l’occasion de brillantes évocations, et dans sa Réponse du peintre à l’imprimeur, Jean Dubuffet décrit : « C’est alors que se manifeste l’efficacité de votre presse Loïe Fuller ; laquelle permet de lutter de vitesse contre le phénomène de la disparition des choses dans la permanence (…). Votre presse aux couleurs de rechange, mon cher imprimeur, est une machine à empêcher la permanence, à empêcher l’altération et la disparition des choses qui sont les effets de la permanence ». Dans la plaquette de 1984, Petit traité de jocondoclastie par l’exemple à l’usage des amateurs éclairés ou non, le principe de la précédente plaquette est repris, et Louis Barnier s’en explique dans la préface : « On comprendra donc aisément que devant ces marques d’intérêts unanimes, il nous soit apparu amusant de reprendre vingt ans après, l’expérience – le jeu. Non pas de répéter l’expérience avec le même peintre et la même œuvre, mais de la re-créer – de nous récréer – avec un peintre d’une autre époque, à partir d’une œuvre à la technique et à la sensibilité essentiellement différentes (…) ».
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Jean Dubuffet, Catalogue raisonné de l’œuvre gravée, T. 1 et 2, Baudoin Lebon éditeur, Paris 1991
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Dans une lettre adressée à P.A.B. le 17 septembre 1962, Dubuffet lui donnait son avis concernant le tirage et le papier : "Je suis toujours enclin aux tirages extrêmement restreints parce que les clients sont rares et que c’est tellement emmerdant de courir après. Par ailleurs je suis enclin à l’utilisation de papiers aussi modestes que possible, je n’aime pas les papiers de luxe, j’aime les papiers moches et misérables". P.A.B. lui répond le 21 septembre : "Pour le papier je verrai ce que Barnier a de plus misérable". En effet, c’est sur du papier de différentes couleurs trouvé à l’imprimerie, parmi les chutes et au hasard des stocks existants que Louis Barnier imprima Oreilles gardées ». Note d’Antoine Coron, Catalogue de vente Guy Loudmer, D’une bibliothèque l’autre, Drouot, 1-2 décembre 1995