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Imprimerie Union

Lénine

Les informations concernant les premières années du travail de Volf Chalit et de Dimitri Snégaroff à Paris font défaut. Seule la mémoire familiale et certains biographes les associent à Lénine et à ses années parisiennes. Durant son exil à travers l’Europe, Lénine après avoir résidé à Genève, arrive à Paris le 3 décembre 1908 où il séjournera plus de quatre ans. L’une de ses principales préoccupations est alors la remise en marche du matériel d’imprimerie qu’il a amené avec lui pour poursuivre les publications des revues sociales-démocrates, Le Prolétaire, et LeSocial-démocrate, (les deux publiés en russe). Le premier de ces journaux paraît à Paris à partir du n°41 (20 janvier 1909), jusqu’au n°50 (28 décembre 1909). Les n°41 et 42 portent la marque d’imprimeur : « Imprimerie du parti Social-démocrate russe, 8, rue Antoine Chantin ». Les trois suivants : « Administration et imprimerie 8, rue Antoine Chantin », et du n°46 (11 juillet 1909) au n°50 : « Administration et imprimerie, 110 avenue d’Orléans ». Gérard Walter apporte des détails supplémentaires sur cette implantation parisienne : « Arrivé à Paris dans la soirée du 3 décembre en compagnie de sa femme et de Zinoviev, Lénine descendit à l’hôtel des Gobelins, 24, boulevard Saint-Marcel où habitait sa sœur cadette Marie, venue faire ses études à Paris. Sa première question fut : « Est-ce que Kamenev a trouvé quelque chose pour l’imprimerie ? ». En apprenant que rien n’avait été fait, il se borna à remarquer : « C’était à prévoir… ». Le lendemain matin, les deux typos russes de Genève, qui avaient suivi Lénine à Paris, se mirent à la recherche d’un local quelconque. On trouva rue Antoine-Chantin, à quelque cent mètres de l’église Saint-Pierre de Montrouge, une sombre boutique sans gaz ni électricité qui fut louée sur-le-champ »1.

 Aline, qui se voit confier par Lénine à partir de 1911 la direction de l’Imprimerie-Expédition du Social-Démocrate, raconte : « L’imprimerie installée rue Antoine-Chantin ne présentait que des inconvénients. Comme il n’y avait pas d’électricité, on y travaillait, la nuit tombée, à la lueurs des lampes à pétroles ou même des bougies … Les typos finirent par dénicher un nouveau local dans un petit bâtiment en briques que bordait une allée plantée d’arbres. On y accédait par le porche du 110, avenue d’Orléans. Lénine s’en montra ravi. Les ateliers furent installés au rez-de-chaussée, le Comité Central se réserva des pièces au premier étage. C’est là désormais, que furent tirés Le Social-démocrate et Le Prolétaire »2. Ces informations et l’histoire de l’Imprimerie Union se recoupent dans le propos de Gérard Cogniot, même si l’on sait que Volf Chalit arrive à Paris en 1904 et Dimitri Snégaroff certainement en 1907 : « Une équipe d’ouvriers typographes russes suivit Lénine à Paris. Ils furent les créateurs de l’Imprimerie Union »3 .

 Une autre source vient confirmer les relations des deux russes avec Lénine. Il s’agit d’un article parut dans le n°63 de juin 1981 de la revue Caractère, qui même s’il reste pour une bonne part imprécis, a pour source les témoignages de Louis Barnier et de sa femme.

 « A Paris, Lénine et Trotsky structurent le parti socialiste clandestin, écrivent, théorisent et publient, en direction de la Russie, de nombreux ouvrages ou journaux. Pour concilier les nécessités du militantisme et les impératifs du quotidien, quelques-uns de ces émigrés créent une imprimerie. L’Union est née, à la fois pour aider la révolution et avoir un métier. Rapidement elle devient l’imprimerie quasi-officielle du Parti socialiste clandestin. Il n’est pas rare alors de voir dans les locaux exigus, près de Port-Royal, Lénine au marbre, relisant, avec un soin extrême, les premières épreuves d’un éditorial ».

 La seule source de première main à notre disposition est le témoignage d’Aline. Dans son livre Lénine à Paris, ce dernier parle de l’importance que pouvait avoir l’imprimerie pour Lénine et des relations privilégiées qu’il entretenait avec ses typographes. Les noms de Chalit et Snégaroff ne sont pas évoqués, seulement ceux de Vladimir et de Riskine, auxquels fut donnée l’imprimerie du Parti à la veille du départ de Lénine de Paris en 1912. Il semble qu’ils aient poursuivi leur activité d’imprimeur puisqu’en 1916 paraît le livre Comité de secours aux volontaires russes imprimé à l’Imprimerie « Idéal » Wladimiroff et Riskine.

 Ces premières années parisiennes de Chalit et de Snégaroff sont donc difficiles à décrire, même si l'on peut tout à fait admettre que les deux russes aient travaillé dans un premier temps jusqu'en 1909 avec Lénine, pour fonder à la fin de cette même année, la Kooperativnaïa typografia soïouz. D’autre part, alors que Lénine était surveillé, les Archives de la Police 4. ne font à aucun moment mention de Lénine, de ses proches et de ses activités. Ainsi, Volf Chalit, Dimitri Snégaroff et l’Imprimerie Union apparaissent pour la première fois dans ces archives à l’intérieur d’un rapport de police daté du 12 juin 1912, soit juste au moment où Lénine quittait Paris. Un dossier Lénine a bien existé aux Archives de la Police mais demeure à ce jour introuvable. L’ensemble des éléments rassemblés tend par conséquent à mettre en évidence les proches relations entre Lénine et ses typographes mais ne nous permet pas de certifier qu’il s’agit bien de Chalit et Snégaroff. La principale trace de cette époque reste le portrait que Dimitri Snégaroff fit de Lénine.

 

 

  1. Walter, Gérard, Lénine, Albin Michel, Paris, 1971, p. 188.    

  2. Aline, Lénine à Paris, Les Revues, 2ème édition, Paris, 1949    

  3. Cogniot, Gérard, Quand Lénine vivait à Paris, Club Messidor, Paris, 1967    

  4. Les Archives de la Police sont regroupées à la Préfecture de Police du 5ème arrondissement de Paris, ainsi qu’aux Archives Nationales